25 janvier 2016

Bonjour à toutes et à tous,

Toujours pas d'eau, la nourriture, un cauchemar. Ce soir, plus de Wi-Fi. Nous nous sommes occupés de nos âmes chez Monsieur l'abbé et Monseigneur. Visite chez le préfet. Du boulot par-dessus la tête et une belle émotion. Voilà le programme du jour.

Interview de Modeste Kambou, évêque de Gaoua
Légende: Interview de Modeste Kambou, évêque de Gaoua

Les conditions sont vraiment difficiles.

Heureusement que nous n'avons pas les chaleurs supportées avec abnégation lors de notre voyage d'avril 2015, 42 degrés en moyenne. Toujours pas d'eau dans notre hôtel. On se lave tels les éléphants en se balançant des sceaux de dix litres sur la carcasse. Quant à la nourriture: un enfer. La bouffe de la Grotte du militant est parfaitement exécrable. Tout a le goût de poisson. Espérons que nos organismes de "petits blancs" vont supporter cette épreuve. Je ne serais pas surpris que l'imodium entre en action avant notre retour à Ouagadougou. Demain, nous allons chercher un autre bistro ou, comme nous le faisons ce soir, demander à la dame de l'hôtel de nous cuire des pâtes achetées au magasin du coin. Heureusement Bondi pense à tout. Afin de préserver l'équilibre nutritif de notre festin, il a acheté une boîte de corn beef, du singe. Cela faisait longtemps que je n'avais pas touché à ça. À la première bouchée, cela rappelle des bons souvenirs. À la deuxième, des mauvais. Cerise sur le gâteau: ce soir, le Wi-Fi du Centre Shalom où nous survivons ne répond plus. Il ne manquait plus que ça!

Le travail va bon train

Nous avons eu notre première rencontre avec les membres du comité de l'Association pour l'Espoir des Aveugles et Malvoyants de Gaoua (AEMAG) Nous leurs avons soumis la liste de questions dressée par le comité de notre association et les avons invités à siéger dans un premier temps sans nous pour y répondre. Nous avons établi un programme de nos rencontres jusqu'à jeudi prochain. Outre les aspects techniques liés à la construction et à l'énergie solaire, les difficultés que nous rencontrons concernent essentiellement les activités génératrices de revenus pour que le centre soit autonome d'ici cinq ans et le salaire des futurs collaborateurs du centre.

Les Cathos sont sympas!

Après le petit déjeuner du matin, nous avons établi le programme du jour avec Yara. En premier lieu, rendre une visite de courtoisie à l'abbé du diocèse duquel dépendent les classes qui intègrent les enfants aveugles et malvoyants et lui demander de pouvoir visiter les classes. Il a suffi d'un coup de fil de Yara pour que Jean-Boniface Samda nous reçoive sur l'heure. Il est jovial. On rigole. Après lui avoir dit que Bondex et votre serviteur étaient, eux, de bons catholiques, Monsieur l'abbé a saisi son portable pour solliciter une rencontre avec l'évêque de Gaoua. Ni une, ni deux, nous voilà partis pour rencontrer Monseigneur Modeste Kambou. À nouveau, une franche rigolade et beaucoup de simplicité et de sympathie. Je ne suis pas loin de penser que les Cathos sont décidément plus cool que les Protos. Jean-Boniface et Modeste affirment d'une seule voix qu'ils feront tout ce qu'ils pourront pour soutenir notre projet. Bien sûr, ce ne sont que des mots, mais tout de même…

Audio: Interview de Modeste Kambou

De droite à gauche : Bouba, Jean-Marc, Modeste, Yara et Michel
Légende: De droite à gauche : Bouba, Jean-Marc, Modeste, Yara et Michel

Les familles d'accueil, un problème récurant

Que ce soit à Boulsa ou partout ailleurs au Burkina, les familles susceptibles d'accueillir des enfants aveugles et malvoyants sont très difficiles à trouver. Avant d'aller plus avant, il est indispensable de tenter de décrire la manière dont sont considérés les enfants aveugles. Au mieux, c'est une punition de dieu, au pire, ce sont des bouches inutiles à nourrir. Ils jouissent donc très souvent de très peu d'égard de la communauté villageoise et de leurs géniteurs. Une des raisons du projet de création d'un centre à Gaoua est de pouvoir héberger les enfants handicapés de la vue qui sont intégrés dans les classes de l'École catholique. Les familles d'accueil se plaignent que les enfants déficients visuels sont exigeants et difficiles et qu'ils ne sont pas en mesure de participer aux tâches ménagères. N'est-ce pas compréhensible qu'ils soient pénibles alors qu'ils ont été rejetés ou mis à l'écart par leur propre famille? On le serait à moins. Une des discussions qui roulaient ce matin tournait autour du sujet de la création d'un internat. Il est vrai que du point de vue généralement partagé, cela n'est plus dans l'air du temps de créer des "ghettos". Et pourtant… Un internat peut constituer un milieu stimulant pour les enfants qui peuvent se comparer, se copier et bénéficier des soins d'un personnel formé. À mon avis, l'internat pourrait, dans un premier temps, sociabiliser les enfants afin de les armer pour vivre dans une éventuelle famille d'accueil. Voilà un aspect des choses que nous n'avons pas évoqué.

Pour l'instant, il n'y a que huit enfants intégrés dans les classes de l'École catholique, c'est très peu, trop peu. Pourtant, la province dont Gaoua est le chef-lieu compte autant d'enfants handicapés de la vue qu'ailleurs au Burkina. Il est donc indispensable de sensibiliser les familles sur la réalité du handicap visuel et les convaincre que ces enfants ont le même potentiel que les autres pour autant qu'on leur donne les moyens. Dans cette démarche, les femmes jouent un rôle fondamental. Cette sensibilisation constitue l'activité de base de l'association que nous allons peut-être soutenir depuis plusieurs années. Espérons que ce travail de longue haleine porte enfin ses fruits et que ces enfants soient sortis de leur isolement.

La plante qui soigne 132 maladies

Devant le centre communautaire qu'occupe notre partenaire, l'AEMAG cultive un petit lopin de 0,25 hectare. Là poussera une plante le moringa, l'arbre de paradis en langue vernaculaire, à laquelle les gens du coin attribuent notamment des vertus aphrodisiaques. J'espère simplement que nous n'allons pas contracter la cents-trente-troisième maladie.

Le terrain de l'AEMAG mis à disposition par l'Action sociale
Légende: Le terrain de l'AEMAG mis à disposition par l'Action sociale

Le préfet au champ

Après l'insurrection de 2014, tous les maires ont été suspendus. Toutes leurs prérogatives ont été confiées aux préfets. Compte tenu que les élections municipales auront lieu en mars prochain, c'est donc au préfet que nous avons l'intention de nous adresser. Yara reprend à nouveau son portable pour appeler la mairie. De suite, le préfet nous reçoit. Nous en avons profité pour tenter d'activer l'affectation du terrain à l'AEMAG. Devant nous, le préfet appelle un collaborateur pour faire bouger les choses. Nous pouvons espérer être en possession du sacrosaint papier dans les deux mois.

Nous en avons profité pour lui demander si notre prochain voyage à Boulsa dans la région centre-nord du Burkina Faso était dangereux pour nous les "petits blancs". Selon lui, "y a pas de problème". Du reste, le couvre-feu a été levé sur l'ensemble du territoire national. "Voilà!"

Une petite larme au coin de l'œil

En sortant de la "réception" de notre palace pour aller fumer ma pipe. Je cherchais à localiser en claquant des doigts comme j'en ai l'habitude, la chaise posée à mon intention. À ce moment-là, j'ai senti une petite main se glisser dans la mienne. La main d'une petite fille? D'un petit garçon? Cette menotte m'a conduit jusqu'à la chaise en me disant "Tonton". En fait, c'était la fillette adoptée du gérant, une toute petite Emma, un des prénoms préférés de ma femme Francine.

Emma et Jean-Marc, main dans la main
Légende: Emma et Jean-Marc, main dans la main

À demain, si vous le voulez bien!