La nuit ne s'est pas très bien passée. Nous devons sûrement manquer de vin rouge.
Une éprouvante mais intéressante journée nous attend. Il est 6 heures. Installé dans un fauteuil de notre salon extérieur. J'entends les coqs chanter. Le cochon de la maisonnée grogne dans la cour. Une chèvre, puis deux, lui répondent. Les gens vont et viennent vaquant à leurs occupations. Les enfants du frère Etienne sont déjà debout. Le petit Benaza, âgé de 9 ans, vient me serrer la pince.
Aujourd'hui, nous partons faire de la sensibilisation dans le quartier où est né le frère Etienne, ainsi que dans un village où nous attend le chef coutumier. 24 enfants et une dizaine d'adultes se sont entassés dans deux bus, dont le célèbre Toyote. Je suis très heureux, car le petit Wendemi, "Dieu sait tout" en langue mauré, le chouchou de Francine, est avec nous à bord du Toyote.
Nous avons quitté la route pour prendre une piste défoncée, qui souvent n'est qu'un sentier à peine tracé. Au quartier du frère Etienne, en fait, un village loin de tout, nous sommes accueillis par la danse des femmes accompagnée de tambours. Les femmes virevoltent et se tapent le cul l'une contre l'autre.

Après les discours d'usage, les invités et les enfants partagent un plat de riz, duquel les nassara que nous sommes, sont exclus, pour raison de santé... Nous assistons au festin avec notre seul bidon d'eau aseptisée. Le père Duplo rêve d'un coup de blanc. Les villageois sont fiers de leur fils Etienne et ils ont de quoi.

Nous voilà repartis pour de nouvelles aventures avec deux poulets offerts par le village. Ils vont rejoindre le poulailler de l'école de Boulsa.
Nous arrivons à Belga, un ensemble de villages qui comptent 8.000 habitants, escortés par une dizaine de cyclistes du coin. Nous sommes accueilli par le chef du village devant lequel se prosternent les habitants.

D'une stature imposante, d'aucuns disent que son volume a passablement diminué, il est coiffé d'un bonnet rouge que ces ancêtres ont porté comme la dague qu'il tient dans ses mains, signe de son pouvoir. De sa voix grave et posée, ils donnent des ordres aux conseillers de son village et d'un signe de tête écarte l'arrivant qui voudrait s'en approcher.

Audio: interview avec le chef coutumier
Avant d'avoir été coopté chef du village, il a travaillé chez Total France, puis a effectué plusieurs jobs qui rapportent gros, notamment dans les travaux publics et le bâtiment.
Il ne faut pas s'y tromper. Sous sa bonhomie, cela ne doit pas rigoler tous les jours. On pourrait croire à première vue, à un équilibre fragile entre tradition et modernité. Il n'en est rien. Le chef coutumier a ou avait droit de vie et de mort sur les 3.000 km2 de son territoire. Comme il le dit avec malice, les relations qui prévalent entre ses prérogatives et celles de l'administration, sont comparables à celles qui régissent les rapports entre un cavalier et sa monture. L'un a besoin de l'autre et doit le respecter.

Ce sont environ 200 personnes qui assistent, durant plus de deux heures, aux chants, aux récitations et aux performances de lecture et d'écriture braille des enfants.

Après les discours d'usage, tout s'achève avec une partie de torball, une sorte de football pour aveugles, dont les règles ont été quelque peu adaptées aux circonstances.

Nous avons aussi l'occasion d'assister à des danses endiablées. Incroyable, je n'ai jamais entendu des percussions pareilles. Trois gars assurent comme des bêtes. Ça remonte des pieds au diaphragme. Malheureusement, le limiteur de mon enregistreur numérique, ne me permet pas de recueillir cette richesse. Les danseurs sont masqués et portent des costumes sombres faits de sorte de ficelles qui se soulèvent à chaque mouvement rapide.
J'ai promis au chef coutumier de Belga, de pousser jusque chez lui l'année prochaine avec Francine, la lionne blanche.

Le chef vient de nous donner la route. Nous repartons avec un troisième poulet et un mouton qui est attaché sur le toit d'un des bus. De notre côté, nous lui avons offert un peu d'argent, comme le veut la tradition.
A notre retour, nous avons une longue et édifiante discussion avec le frère Etienne, quant à la situation de l'école, autant du point de vue des structures que des finances.
A défaut de la foi, il faut avoir le moral. Rassurez-vous, il reste inébranlable. Faute de trésorerie suffisante, les enseignants n'ont pas été payés depuis deux mois. De plus, les salaires pratiqués à l'école de Boulsa sont bien moindre que ceux proposés dans l'enseignement public, si bien, que les enseignants se présentent aux concours pour entrer dans la fonction publique et trouver des postes plus lucratifs. Cette position peut avoir, à moyen terme, des conséquences désastreuses pour la pérennité de l'enseignement. Frère Etienne et sa femme ne sont pas payés. Il a entrepris des démarches pour que son école soit reconnue par l'état, ce qui aurait pour effet que la formation des professeurs pourrait être prise en charge. Cependant, cela ne règlerait pas le problème de fond. Les enseignants marchent à l'enthousiasme et, il faut bien l'admettre, à la foi.
Il faut absolument que l'école de Boulsa trouve des activités génératrices des ressources nouvelles ou trouver du financement extérieur. La piste du parrainage pourrait être envisagée. Selon un rapide calcul, la somme de 30 francs suisses par mois et par enfant, devrait couvrir les frais. Lâché comme ça, ce chiffre représente peu de chose, mais il y a 45 élèves. Ce chiffre prendrait en compte les frais d'hébergement et de scolarisation d'un enfant pour 9 mois et les salaires des enseignants pendant 12, ce qui pourraient fidéliser les collaborateurs.
Après une petite sieste, nous allons manger chez Evelyne, la directrice provinciale de l'enseignement de base et de l'alphabétisation du Namentenga, qui a ouvert un bistro. Michel a mis son Marcel. Rien que de poser la main sur son épaule qui colle vous enlève instantanément toute envie. Alors, je le tiens au sac à dos.
A si peu!
Cela me fait un bien fou de rêver à travers vos périgrinations…Michel comprendra !!!
Merci et bon vent à tous 2.
Myvon
Super J2M! Merci Michel! Lafi les burkinabé!
Je serai au Burkina du 29.11 au 7.12.2010 et vérifierai les retombées de ce voyage, ceci pour mieux préparer la suite afin d’élaborer une stratégie pour pérenniser nos réalisations. Le parrainage me parait une approche adaptée pour Boulsa.
A+ Heinz