Nouadhibou est une ville portuaire qui compte 120.000 habitants. Ici, 15.000 pauvres gens espèrent trouver la richesse en Europe. Ils attendent un hypothétique moyen de transport, une coquille de noix souvent, pour rejoindre au péril de leur vie les îles Canaries qui sont distantes de 500 kilomètres. Philippe, notre loup de mer, nous explique que les plus gros coups de tabac qu'il a essuyés, l'ont été dans ces régions.
Hier soir, nous nous sommes faits un peu avoir. Nous avons payé trop cher un hébergement vraiment sommaire. Cela sentait le pipi et ce matin, l'unique fenêtre du cantonnement celle de la salle de bain m'est tombée sur la gueule et l'eau chaude promise brillait par son absence. Je n'ai pas vraiment goûté à la viande de chameau qui ressemble un peu à celle de cheval en plus sauvage. Nous avons comme prévu sifflé la bouteille de petite arvine et bu quelques ricards.
Nous espérons traverser la Mauritanie en deux étapes. Aujourd'hui, le Toyote et ses trois hyènes quittent Nouadhibou pour rallier Aleg, 740 kilomètres plein sud. Le désert est partout, parsemé ça et là de tentes à quatre pans et de cabanons. La circulation est quasi nulle. Il n'y a pas un seul nuage à l'horizon. Dès maintenant, le soleil ne nous quittera plus jusqu'à Ouagadougou.
Nous sommes arrêtés au passage du train qui transporte le minerai de fer et qui rejoint Nouadhibou. A 40 kilomètres à l'heure, 164 wagons tractés par trois locomotives défilent devant le Toyote médusé. Nous allons longer maintenant le parc national du Banc d'Arguin.
Il est vraiment trop fort notre Philippe, ce génial décorateur mécanicien sur avion. Grâce à l'équivalant en points braille des lettres composant les mots "mission braille" qu'il a collés sur la portière du Toyote, un policier mauritanien vient de prendre sa première leçon de Braille. Voilà enfin un concurrant sérieux à Mouskie, la souris informatique pour apprendre le Braille dont il est l'inventeur. Au loin maintenant, des dunes qui ressemblent aux dires de Bondichéri, à mes sculptures en pierre ollaire. Dois-je prendre cela pour un compliment? Je l'ignore. De temps en temps, Philippe fait ralentir le Toyote et saute pour aller prendre des photos. Ici, c'est un troupeau de chameaux qui traverse la route, là, une succession de dunes qui ressemble à un alignement de Mouskies.
Nous changeons de configuration. Philippe prend le volant, moi, la place du mort et Bondex, le couteau suisse. Au menu: baguette, terrine du Sud-ouest et de l'eau bien sûr. Ce n'est pas tout à fait vrai. Le cuisinier Bondi en tordant à mort le sac du cubiteiner, a réussi à en tirer les dernières gouttes, les pires. Au septième contrôle du jour, j'ai le verre du surplus de l'armée marocaine à la main: "tous aux abris!" Au dixième contrôle, le policier nous demande un petit cadeau. Nous avons décidé de céder les téléphones portables qu'en dernière extrémité. Bondi cherche désespérément quelque chose dans les cartons et sort un paquet de petits beurres. Il sera dorénavant privé de dessert car il aurait au moins pu leur filer un paquet de blévita. Au prochain contrôle avec cadeau, nous leur refilerons un bocal de nutella, il paraît que c'est très bon pour soigner les maux de tête en application externe.
Nous sommes à Nouakchott. Noyés dans le trafic intense, les braves petits ânes tirent courageusement leur carriole surchargée avec tant de résignation que cela fait mal au cœur. Le marché bat son plein. Cela sent les peaux fraîchement tannées. La circulation est infernale. Cela klaxonne de partout, Toutes les voitures sont cabossées ainsi, tu vois, mon bon Toyote, avec tes creux et tes bosses, tu ne seras pas dépaysé et tu t'habitueras très vite à ta nouvelle vie au service des aveugles du Burkina. Cette fois, il commence à faire chaud, cette fois, on est vraiment en Afrique noire.
La route qui nous mène à Aleg, traverse de nombreux villages. Le principal danger, ce sont les animaux domestiques qui vont où bon leur semble. Il n'est du reste pas rare de voir ou chameau ou une vache crevés au bord d'une route étonnamment bonne sur laquelle camions et voitures roulent vite.
Après que le Toyote a dépassé les 290.000 kilomètres au compteur et 21 contrôles de police dans cette seule étape, soit en moyenne un tous les 35 kilomètres, nous sommes rendus à Aleg, une semaine après notre départ du Café de l'Ouest.
Pour toi, petite Colinouche. Tu vois, aujourd'hui Oui-oui fait le plein. Demain, tu le retrouveras dans le désert. Gros bisous de ton tonton de très loin en Afrique et de ses copains du Toyote!




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