L’Afrique s’en remet aux masques pour freiner le Covid-19

Comme de nombreux pays, le Burkina Faso oblige désormais ses citoyens à sortir de chez eux masqués.

Une protection toute relative contre le coronavirus mais sans doute plus adaptée qu'un confinement généralisé

Les pays africains sont de plus en plus nombreux à rendre obligatoire le port du masque dans l’espace public. Lundi, c’était au tour du Burkina Faso de franchir le pas, alors que l’efficacité des masques pour l’ensemble d’une population n’est toujours pas clairement démontrée. Le pays du Sahel vient rejoindre de nombreux autres États qui ont déjà pris cette mesure: le Cameroun, le Maroc, le Sénégal, le Rwanda, le Libéria, la Guinée-Conakry, le Mali, la Côte d’Ivoire, le Gabon, la Guinée équatoriale…

Longtemps épargnée par le coronavirus, l'Afrique a eu davantage de temps pour parer à la pandémie mais aussi préparer les opinions publiques à des mesures drastiques, comme le confinement général, adopté par plusieurs pays malgré les risques d'explosion sociale. Lundi, 30'000 cas de Covid-19 et 1'400 morts étaient recensés en Afrique, loin des hécatombes survenues en Asie, en Europe et en Amérique. Mais l'Afrique est particulièrement vulnérable à cause de la faiblesse des systèmes de santé, notamment le nombre dérisoire de respirateurs artificiels et le manque de tests de dépistage.

"Une écharpe ou un tee-shirt"

Pays le plus touché par le Covid-19, l’Afrique du Sud rendra aussi le port du masque obligatoire dès vendredi, en même temps qu’elle assouplira les conditions de confinement de ses habitants pour désamorcer les tensions sociales. Mais, même pour la première puissance industrielle du continent, il n’y aura pas assez de masques pour tout le monde. "Vous pouvez utiliser une écharpe pour couvrir votre bouche et votre nez, vous pouvez aussi utiliser un tee-shirt", a conseillé samedi une ministre.

Sur le continent, le port du masque obligatoire ne va pas sans susciter la controverse. La presse burkinabé a mis en garde contre le prix rédhibitoire des masques, malgré les subventions du gouvernement pour en produire. Les ateliers de couture africains n’ont en effet pas attendu les décisions gouvernementales pour se lancer dans la production de masques en tissu, toutefois moins efficaces que les masques médicaux.

Homologation souhaitable?

Dans son éditorial de dimanche, l’Observateur Paalga, un quotidien burkinabè, appelait à un grand effort national pour produire des "masques made in Burkina" homologués "avec des indications claires sur leur qualité, leur mode d’usage et leur conservation". "Car il faut craindre comme effet boomerang que des cache-nez mal conçus, exposés à la poussière et aux multiples manipulations inopportunes des vendeurs ou des acheteurs, propagent davantage le virus qu’ils ne protègent les populations", concluait le journal.

Au Sénégal, où le port du masque est obligatoire depuis le 7 avril, le débat est tout aussi vif et le gouvernement a dû renoncer à imposer une norme de certification de ces objets désormais indispensables. L’annonce gouvernementale avait provoqué un tollé.

Comme la production locale n'est pas suffisante, l'Afrique importe elle aussi des masques made in China. Le milliardaire philanthrope chinois Jack Ma, fondateur du géant du commerce en ligne Alibaba, a fait dons de millions de masques aux pays africains. Certains voient en lui un ambassadeur officieux de Pékin, chargé de préserver l'influence chinoise en Afrique. La fondation de Jack Ma a aussi fourni des masques par millions à l’Organisation mondiale de la santé (OMS) qui les redistribue dans les pays qui en manquent le plus.

Soignants les plus exposés

Paradoxalement, à l’heure où les gouvernement africains généralisent le port du masque pour leur population, les soignants n’en ont pas assez. La semaine dernière, Médecins sans frontières (MSF) tirait la sonnette d’alarme. L’ONG n’avait plus que trois à quatre semaines de stocks pour ses opérations à travers le monde.

Les masques pour protéger les soignants sont plus sophistiqués que la moyenne. D’ailleurs, l’OMS ne recommande pas la généralisation de ces derniers. Les masques en tissu ordinaire protègent plus l’entourage que les personnes qui les portent. Et ce moyen ne devrait pas remplacer d'autres mesures comme la distanciation sociale et le lavage régulier des mains, plaide l'OMS.

MSF est moins catégorique: "En Afrique de l'Ouest, dans les villes et capitales à forte densité de population, la transmission communautaire peut être réduite si tout le monde porte un masque. Le Covid-19 peut en effet se transmettre avant l'apparition de symptômes et le port du masque permettrait ainsi d'appliquer des mesures préventives chez les personnes déjà infectées, mais asymptomatiques pour leur éviter de contaminer leur entourage. Cela pourrait être particulièrement pertinent dans des environnements surpeuplés, comme dans les bidonvilles, mais aussi dans les camps de déplacés", avance le Dr. Chibuzo Okonta, président de MSF en Afrique occidentale et centrale. L'OMS et MSF se retrouvent sur la nécessité d’équiper en priorité le personnel soignant, en première ligne contre l’épidémie.

Source: Le Temps