Avant qu’il ne soit trop tard!

Insécurité au Burkina: Les propositions de Salvador Yaméogo, Président du Rassemblement des Démocrates pour le Faso.

Dans la tribune ci-après, Salvador Yaméogo, Président du Rassemblement des Démocrates pour le Faso (RDF), analyse la situation sécuritaire du Burkina Faso et fait des propositions pour une sortie de crise.

Avant-propos

Depuis le premier attentat terroriste que notre pays ait connu, celui du "Capuccino", en plein cœur de notre capitale, quatre années, bientôt se seront écoulées. La liste s’est tristement allongée et nombre de voix autorisées, en interne, comme à l’international, continuent de s’élever, pour condamner la spirale d’attaques djihadistes dans laquelle nous sommes désormais, dramatiquement, plongés, à l’instar de nos frères maliens et nigériens. C’est bien compréhensible, quand la République est attaquée de toutes parts et que tant de nos vaillants soldats ont payé de leur vie, la défense de notre patrie. Aussi, avant d’aller plus loin, sacrifions au devoir de mémoire, leur rendant le vibrant hommage que requiert leur suprême sacrifice et adressant à toutes les familles des militaires, tombés au champ d’honneur ainsi qu’à celles des victimes civiles, toutes endeuillées, le témoignage de notre profonde compassion.

Pour que le sacrifice ultime de tous ces disparus, ne soit pas vain, pour que leurs âmes reposent en paix, dans cette terre de nos ancêtres, qui doit rester nôtre, "Un sursaut national" sans égal dans notre histoire, est maintenant indispensable, avant qu’il ne soit trop tard.

Le vrai sujet

Le Burkina Faso, jadis Haute-Volta, faut-il le rappeler, a été créé, démembré puis reconstitué. Notre combat est aujourd’hui, de conjurer ce sort qui semble s’acharner, nous promettant subrepticement, sa disparition.

Ces mots forts, alors même que des signes encourageants sont annoncés, le sont à dessein. Qui d’entre nous, pouvait prédire au lendemain de la dernière présidentielle, que nous en serions là, fin 2019? Simple parallélisme des formes : alors que les états major de certaines formations politiques, de la majorité, comme de l’opposition, fourbissent déjà leurs armes (non létales) et leurs stratégies pour les joutes de 2020, qui sait où nous serons rendus à cette même date?

La majorité ou le pouvoir, avait certes d’abord, la charge de mettre en œuvre le programme ayant fédéré une majorité de suffrages, lors du dit scrutin. L’opposition, se devait, elle, de promouvoir une option alternative et de se préparer à la soumettre en 2020. L’intégrité de notre territoire, en tant que priorité, figurait-elle, en bonne place dans les programmes? Peu probable, dans un contexte où, l’euphorie ou l’abattement aidant (c’est selon), les indicateurs sécuritaires n’étaient pas scrutés, ni perçus comme dirimants.

Entendons-nous bien. Il n’entre nullement dans mon propos de faire (rétrospectivement), un procès d’intention, à qui que ce soit. Ce serait maladroit et déplacé. Nous avons, quelque part, tous été victimes d’une cécité collective.

Gardons juste à l’esprit, désormais et pour toujours, que nul ne connait l’avenir.

Sur ce fondement et en toute bonne foi, j’irais jusqu’à concéder que le Chef de l’Etat, le Président Roch Kaboré fait de son mieux, toutes choses égales par ailleurs et que l’opposition est logée à la même enseigne, dans le difficile registre qui est le sien.

Mais, en réalité, est-ce encore le sujet? Sans vouloir jouer les mauvais augures, les questions qui taraudent l’esprit sont graves et tenaces. Elles ont, à juste titre, été récemment effleurées. Le Burkina Faso sera-t-il en mesure, dans un an, de tenir un scrutin couplé (Présidentielle et législatives) sur toute l’étendue du territoire national?

Subséquemment, à supposer que ce ne soit, malheureusement pas le cas, quelles régions seront soustraites au suffrage? Et partant, à la République? Les régions en zones rouge et/ou orange? Celles « présumées occupées » ou à tout le moins « dangereusement infiltrées » par les groupes djihadistes?

Quelles sont les populations qui, majoritairement, peuplent ces régions? En ne les associant pas au vote, ne court-on pas le risque de les pousser davantage, pire de les offrir à la radicalisation djihadiste, par le simple effet mécanique d’une exclusion imposée, fut-ce par les circonstances? Sans parler de celui plus pernicieux d’une stigmatisation ambiante, que de possibles et malheureuses « bavures », ont pu, un temps, illustrer. Le terreau du djihadisme est avant tout la pauvreté et non un quelconque déterminisme ethnique.

Entre l’obligation constitutionnelle de tenir des élections à bonne date et l’impérieuse nécessité, l’urgence politique, de sauver notre pays, en préservant son intégrité, la paix sociale, l’harmonie et le vivre-ensemble du peuple burkinabè, dans toutes ses composantes, y a-t-il véritablement un débat à mener?

Dans notre histoire, combien de régimes d’exception avons-nous connu, pour de bonnes ou de mauvaises raisons? Nous avons toujours fini par aller aux élections. Dans la situation qui prévaut, ne nous trompons pas de sujet, encore moins de combat.

Ne présumons pas de nos capacités à tenir des élections libres, équitables, transparentes et apaisées fin 2020, sur l’entièreté du notre territoire, sauf retournement extraordinaire de celle-ci, avant terme. Certes des solutions palliatives peuvent être trouvées, notamment pour les déplacés, mais quelle interprétation en sera faite? Quelles conséquences en résulteront?

Des précédents peuvent, sans doute, être invoqués, de pays, confrontés au terrorisme, qui ont pu organiser des élections. Mais « comparaison n’est pas raison » car toutes les comparaisons ont leurs limites, si des modulations ne sont pas opérées.

Enfin, comment aller, décemment, honnêtement, battre campagne auprès de populations déplacées, traumatisées, meurtries par les attaques et les tueries?

Quel bilan de circonstance invoquer? Quelle option alternative crédible soumettre, pour solliciter leurs suffrages? Dans un tel contexte, sommes-nous même, à l’abri d’une crise post-électorale?

Il faut dès à présent et pour de bonnes raisons, anticiper et songer à un consensus national sur le principe de l’activation possible d’un « plan B » (A mettre en œuvre, en cours de mandat, sur la base des prérogatives constitutionnelles exceptionnelles, dévolues au Président du Faso, dans les situations d’urgence, plutôt qu’au-delà de 2020. Une forme de "Transition" voulue et préparée, davantage qu’imposée).

Nous sommes en guerre et dans l’incapacité immédiate, de garantir que tous les burkinabè pourront voter, que ce scrutin sera transparent, équitable et que son résultat sera accepté. Ce propos, pourra choquer et provoquer une levée de boucliers, tant du côté de ceux qui s’apprêtent à aller à la « conservation » de leur pouvoir (sans avoir pleinement démontré l’avoir mérité) que de ceux, prêts à aller en découdre pour sa conquête, estimant le régime aux abois (sans non plus convaincre des solutions idoines à disposition, pour sortir le pays de cette situation, inédite). "La critique est aisée, mais l’art est difficile" dit-on.

Pour tous ces motifs, ayons le courage de « prévoir », d’anticiper, sans angélisme, ni démagogie, mais avec lucidité et détermination, une autre feuille de route, épousant les contours possibles, qui vont suivre, car, assurément c’est "notre union qui fera notre force".

Aussi, osons nous retrouver, pour:

  1. Unir toutes nos forces (politiques, économiques, sociales, traditionnelles, religieuses) dans le combat pour la libération totale du territoire;
  2. Prolonger, le cas échéant, le mandat du Président du Faso, des députés, subordonnant le tout, à la mise en place d’un Gouvernement d’Union et de Guerre, avec un PM, issu de l’opposition;
  3. Négocier un moratoire avec les forces syndicales;
  4. Plaider la grâce, voire l’amnistie, pour les condamnés du putsch manqué;
  5. Inviter tous les exilés à rentrer, accepter la main tendue du Président Blaise Compaoré;
  6. Commencer par élargir (sous conditions) tous les militaires aux arrêts ou radiés, en état de combattre (l’enrôlement de civils, venant en sus);
  7. Affecter d’office le budget des élections d’abord aux FDS, dans le cadre d’un budget de guerre, faisant la part belle à un équipement conséquent de notre armée (Drones, Hélicoptères et pourquoi pas, avions de combat) et à nos populations déplacées;
  8. Réduire au maximum les charges de l’Etat. (Représentation et missions extérieures, un Gouvernement d’Union et de guerre, le plus représentatif et compact possible)
  9. Lever les fonds nécessaires, en engageant dans la transparence, la rigueur et le professionnalisme nos ressources minières connues et/ou attendues (or, manganèse, pétrole, uranium…);
  10. Récupérer et sécuriser par tous les moyens et en bonne intelligence avec les pays frères confrontés au même fléau et ceux amis, ces « 274 200 Km2 » qui doivent continuer de constituer l’entièreté du Pays des Hommes Intègres;
  11. Rétablir nos populations des zones sensibles dans le sentiment d’appartenance pleine et entière à la nation burkinabè, en premier lieu, en les relocalisant;
  12. Aller aux élections une fois, le Burkina totalement libéré et, enfin, se pardonner, se réconcilier.

"Mieux vaut prévenir que guérir"

À trop discourir, et quelle que soit la justesse ou la hauteur du verbe, on finit par ne plus être audible. Ne pas s’exprimer, c’et s’exposer, à la critique du « silence coupable ».

Entre les deux, le choix est possible et désormais fait, d’une parole rare mais profondément sincère, à défaut de viser l’unanimité.

Au-delà du recours à des poncifs (diront certains), lesquels ont justement la vie dure, par le force du bon sens évident qu’ils véhiculent, c’est à la clairvoyance, au patriotisme et à la résilience de mes compatriotes, de l’intérieur et de la diaspora, que j’ai voulu faire appel.

Si dans notre construction mentale, dans notre simple cheminement d’homme, nous pensons avoir reçu, ayons cette obligation morale, quand les circonstances l’exigent, de « donner » un tant soit peu, aussi.

Dieu bénira assurément le Burkina Faso, si tous ses fils et filles le placent au-dessus de tout.

Salvador Yaméogo, Président du RDF Novembre 2019

Source: lefaso.net